Le président du Conseil de l’Union européenne, Donald Tusk, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, réunis dimanche à Bruxelles. – Photo Dursun Aydemir/Anadolu Agency/AFP
Après sept ans de négociation, l’Union européenne et le Canada vont supprimer 99 % de leurs droits de douane. Instauration d’un mécanisme d’arbitrage sur l’investissement.
Comme un symbole : l’avion du Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a dû faire demi-tour, dimanche, pour un problème technique, avant de repartir vers Bruxelles pour la signature de l’accord de libre-échange Ceta, entre son pays et l’Union européenne. Cette cérémonie a subi un faux départ équivalent avec l’annulation jeudi du sommet Union-Canada, pour cause d’objections, il y a deux semaines, du Parlement wallon, avant d’être rétablie dimanche.
Ce sont des « clarifications » qui ont convaincu le Parlement de l’une des six régions belges, forte de 3,5 millions d’habitants, de lever vendredi, par 58 voix contre 5, ses objections au Ceta. Après sept ans de négociations, la suppression de cet ultime obstacle a été saluée par une « mission accomplie » du président du Conseil de l’Union européenne, Donald Tusk. Tandis que le chef du gouvernement fédéral canadien s’exclamait « excellente nouvelle ». Il se demandait quelques jours auparavant : « Avec qui l’Europe pense-t-elle faire affaire dans les années à venir si elle est incapable de signer une entente commerciale progressiste avec un pays comme le Canada ? »
Les Wallons s’inquiétaient de ce que l’accord n’ouvre la porte à des importations canadiennes massives dans le domaine agricole, ainsi qu’à un mécanisme d’arbitrage permettant aux multinationales de réclamer des compensations en cas de vote par les Etats membres de lois nuisant à leurs intérêts. Des réserves dont le gouvernement fédéral belge du Premier ministre libéral Charles Michel, les institutions européennes et le Canada n’avaient pas réellement pris la mesure avant début octobre. Bruxelles faisait valoir que le mécanisme d’arbitrage prévu par le Ceta était en net progrès sur les cours d’arbitrage décriées par les altermondialistes pour leur opacité ou leur supposée sujétion aux intérêts privés. La Cour instaurée par le Ceta comptera 15 juges professionnels. Un mécanisme d’appel est prévu pour la première fois et les audiences seront publiques.
La Wallonie est rentrée dans le rang vendredi après que le royaume de Belgique s’est engagé, à demander à la Cour de justice de l’Union européenne un avis sur la conformité de ce mécanisme d’arbitrage (ICS). Le chef du gouvernement wallon, Paul Magnette, s’est vanté d’avoir « amendé » le traité, quoique son rival politique, Charles Michel, ait affirmé que ces tractations n’ont pas « changé une virgule » au texte du Ceta, épais de 1.600 pages.
Le plus dur reste à faire
Ce dernier prévoit la suppression de 99 % des droits de douane entre Bruxelles et Ottawa. Il ouvre le marché européen aux importations de viande bovine du Canada, à condition qu’elles soient conformes aux exigences sanitaires et environnentales européennes. Le Canada ouvre ses marchés publics fédéraux, régionaux et municipaux aux firmes européennes et reconnaît juridiquement 145 indications géographiques protégées (IGP), dont 42 françaises.
Le plus dur reste peut-être à faire, avec la ratification par les différents parlements nationaux et régionaux des pays de l’Union du traité pour que ce dernier entre entièrement en application. Une procédure qui pourrait prendre des années. D’ici là, seules les parties du traité relevant exclusivement de la compétence de l’Union seront appliquées, ce qui exclut le mécanisme d’arbitrage sur les investissements. Les entreprises continueront donc à porter plainte devant les juridictions des pays concernés.Ottawa est le douzième client de l’Union européenne et son treizième fournisseur.
Source///>>>Yves Bourdillon, Les Echos.fr du 31/10/2016